22/eme jour PAGE (arizona)/ HOLBROOK (arizona)

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on a fini par quitter Page, ses douces plages de rochers rouges et ses jet skieurs bronzés plein de sous, et on a definitivement laissé ' l 'utah lunaire' derrière nous, comme dit Kerouac.

j ai conduit 4 heures comme si j étais allée chercher du pain; on est en pleine traversée de l arizona profonde, quelque part entre Hotvilla et Polacca, en haut territoire indien Hopi. il est donc interdit de prendre des photos sans leur autorisation, d intervenir pendant des ceremonies, et surtout de leur apporter de l alcool.
quand tu vois où ils habitent et dans quel etat on les laisse, tu comprends qu il y ait danger avec la boisson: merveilleux antidote, ils vivent dans des roulottes ou des maisons en parpaings gris pas finies et les mômes des rues sont en haillons, ils sont là completement delaissés, c est d une tristesse, les bleds sont perdus, personne n y passe, tout autour de grandes plaines sèches et mornes et de temps en temps un canyon, une mesa, des chevaux sauvages.

nous-mêmes on ne sait pas si on est en plateau, en altitude ou même dans une vallée, on n arrête pas de monter et de descendre et on a complètement perdu nos repères.

l instit a repris le volant, il mâche ses chewing gums la bouche ouverte avec de grands bruits de succion degoûtants, c est vrai qu il sent le vieux garçon à plein nez, il a lavé 3 slips depuis notre départ, mange bruyamment, pousse des 'HHHaaaaaaa' avec des 'h' gutturaux pendant plusieurs secondes à chaque fois qu' il a fini de boire, pète comme un animal dans les toilettes tous les soirs et porte le même pyjama bleu pilou râpé qui lui descend sur les fesses depuis Chicago.

le borgne est beaucoup plus sociable mais il fait la gueule tous les matins sans exception et l oeil qui lui reste fusille son entourage pendant les 2 premières heures de la journée; apres il redevient très sympa, mais c est une attitude assez destabilisante. il se gratte beaucoup (!!!!) et tremble pas mal mais ça je m en fous, ca n empiète pas sur mon espace vital...

voila pour les us et coutumes de Tom et Jerry, charmant tableau n est il pas!?
pas de violence, c est les vacances!

la route continue de filer tout droit, on dirait un grand ruban de goudron noir qui luit sous le soleil à tel point qu on croit qu elle est mouillée, et qu on se fait avoir à chaque fois.
à l est on voit la pluie descendre dans une parfaite verticale et par traits epais sur les plaines et à l ouest il fait super beau, on est au milieu et on ne sait pas à quelle sauce on va finir la route, tout ce qu on sait c est qu il est 14h53, qu on n a pas mangé, qu on est chez des indiens à qui on a à peine le droit de dire bonjour et à qui on a acheté regulierement des bijoux et autres babioles depuis Monument Valley histoire de soulager nos pauvres mauvaises consciences de cowboys en puissance.
on pue le touriste à 100 miles à la ronde, c est difficile d obtenir un sourire ou un renseignement, il faut faire des blagues, un peu l andouille, et après les hopis se marrent et taillent la bavette mais c est beaucoup d effort, et il y a derrière tout ça une rancune tenace envers ceux qui les ont oubliés dans leurs pauvres plaines où les schoolbus ne doivent pas s aventurer trop souvent.

tout à l heure j ai fait pipi pendant 67 secondes, en comptant doucement, à l arrière d une station service parce que les indiens n ont pas de 'public restroom'. je le dis parce que je pense humblement que c'est un record, à vérifier en rentrant.
auparavant, en guise de toilettes, on avait juste trouvé une cabine en plastique jaune plantée dans la pampa avec une cuvette pleine de mouches et de larves grouillantes, tout ça s affairant et merdoyant sous un soleil de plomb, résolument inutilisable.j'ai conduit des heures avant de pouvoir pisser, impossible de m'arrêter en bord de route à cause des serpents, le cauchemar.

on a quitté lâchement la misère et on s est arrêté à la jonction de notre 66 retrouvée dans un relai de routiers où il y a même une chapelle reservée aux truckers professionnels. on y a mangé en plein après midi comme des goinfres un plat de camionneurs et sa boisson qui va avec, un litre de coca. blurp.

on vient de se poser à holbrook, encore une ville à voitures, des sculptures de dinosaures kitschissimes à tous les coins de rue, et on y a trouvé notre record de nuit, 35 dollars TTC avec petit dej chez un indien d inde maigrichon qui rigole tout le temps.
le motel est vide de chez vide, on est tous seuls et pour une fois, c est moi qui suis pas trop rassurée, faut voir la ville, on dirait qu elle est jumelée avec Groom, Texas, tellement elle est sinistre.
heureusement, y a Ratatouille au ciné à la séance de 19h00, j ai planté les freakbros' et je bois une Bud dans sa bouteille en métal rouge au saloon, parce qu il faut pas mourir idiot.
c est assez familial pour le moment, on me dévisage gentiment, il y a beaucoup d indiens, quelques blancs.

le souci dans ces villes moyennes americaines c est qu il n y a pas de piétons, et donc pas de quartier vivant, alors c est assez flippant de tracer le soir, voire dangereux aux carrefours blindés d énormes 4x4. (avez vous deja vu un hummer limousine????je dis ça j en n ai pas revu depuis chicago mais bon..on a vu toutes les sortes de 4x4 de la terre, je résume, on est des rigolos tout petits dans notre Buick)

il fait nuit très tôt dans la region, ca fait bizarre en plein été, le soir il n y a rien a faire à part aller voir l unique film du ciné et se bourrer la gueule au saloon (chuis trop locale); je comprends bien le desert culturel auquel faisait allusion la commerçante d albuquerque, on est en plein dans l amerique profonde, et c est pas joli joli.
mabrice feignant à holbrook, c est un peu la lumiere de la ville*.

PS: je sors de Ratatouille, il y avait plein de mômes c etait tres sympa mais tous avalaient des pop corns soufflés dans un immonde graillon qui sentait jusque dans la salle, gonflé devant ce genre de film de gourmet.
voir Paris la belle sur la grande toile au fond d un bled pouilleux de l arizona, ca vous redore le blason pour l eternité.

* 110 volts.

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